George Pau-Langevin a rencontré les grands acteurs économiques martiniquais à la Chambre de commerce et d'industrie de Fort-de-France
Première prise de parole de la ministre sur la déclinaison du pacte de responsabilité et de solidarité en Outre-mer.
Déclinaison ultramarine du pacte de Responsabilité et de solidarité : entretien accordé par George PAU-LANGEVIN, ministre des Outre-mer à 'Interentreprises.com' mensuel d'informations économique diffusé en Guadeloupe, Guyane et Martinique.
ENTRETIEN EXCLUSIF : Pacte de responsabilité et de solidarité : George Pau-Langevin veut tout sur la table !
17 Avril 2014 | Francette Rosamont | www.interentreprises.com
Avant son premier déplacement officiel outre-mer en tant que Ministre des Outre-Mer, singulièrement en Martinique pour l'ouverture des Carifta Games, George Pau-Langevin a abordé en exclusivité avec notre rédaction les sujets qui préoccupent en ce moment les milieux économiques ultra-marins. En attendant la feuille de route de Manuel Walls, elle souhaite une approche méthodique pour espérer des arbitrages favorables.
Dans quel état d'esprit abordez-vous votre prise de fonction et singulièrement vis-à-vis du monde économique des outre-mer en proie à une mutation profonde touchant beaucoup de secteurs d'activité ? Tout d'abord je tiens à dire que si beaucoup a été fait depuis 2012, je mesure l'intensité des attentes de nos concitoyens et des entreprises des outre-mer à l'égard du Gouvernement de Manuel Valls. Après dix années de désengagement de l'Etat, l'intensité de la crise que traversent les outre-mer nécessitait des réponses fortes. La lutte contre la vie chère, la réforme de la défiscalisation, la consolidation des moyens d'intervention du ministère pour soutenir la commande publique : autant de séquences réussies. Je souhaite aujourd'hui poursuivre mais aussi approfondir ce qui a été engagé.
Depuis début 2014, le cadre de l'action gouvernementale, c'est le Pacte de responsabilité et de solidarité dont le Premier Ministre a précisé les contours.
Le premier enjeu, c'est de réussir sa déclinaison outre mer. Les outre-mer sont dans la République : les décisions que prendra le Gouvernement trouveront à s'y appliquer. Mais la question de la compétitivité des entreprises s'y pose de manière spécifique : il convient donc d'adapter ces réponses, il faudra tenir compte également des mécanismes existants d'allègements de charge et de fiscalité, afin de garantir un plein effet du Pacte outre-mer. Le Président de la République s'y est dit prêt, je ferai, le moment venu et si nécessaire des propositions en ce sens au Premier Ministre. Mais plus généralement, c'est sans doute à la préparation d'une feuille de route plus globale qu'il faut nous atteler, en mobilisant tous les moyens qui peuvent l'être afin d'encourager une croissance durable et riche en emplois. C'est à ce prix sans doute que nous pourrons plus efficacement lutter contre le fléau du chômage.
Avec la Fedom, le Medef Martinique a présenté sept propositions destinées à redonner 'du souffle' à l'activité économique de l'outre-mer, dont la création d'un CICE Dom et l'aménagement des zones franche outre-mer : quelle est votre lecture de ces propositions ?
Les propositions du monde économiques sont bienvenues J'ai reçu ou pris connaissance, depuis ma prise de fonction, de nombreuses contributions. Je me nourris des étapes de concertation qui ont eu lieu jusqu'ici. Beaucoup de ces propositions sont, à mes yeux, pertinentes. Je n'hésiterai pas à m'en inspirer.
En matière de soutien aux entreprises, j'ai une conception large de l'ensemble des leviers qui peuvent être actionnés pour encourager la croissance et l'emploi. Je souhaite accorder une importance particulière aux TPE, qui sont très nombreuses outre-mer. Je souhaite également réfléchir à la manière dont on peut soutenir la compétitivité des secteurs exposés à la concurrence, encourager la production locale, renforcer l'insertion des économies ultramarines dans leur environnement régional, simplifier la vie des entreprises et faciliter leur accès à des financements adaptés pour leur développement.
Je veux également inscrire à cet agenda une action résolue en faveur de l'environnement, de la transition énergétique, ce pour quoi nos territoires disposent d'atouts exceptionnels. Je connais la demande de création d'un CICE renforcé pour les DOM, qui émane de certains secteurs économiques, notamment le tourisme. Cela fait partie des hypothèses qui sont sur la table. Je ne veux rien exclure à priori. Mais je veux aussi travailler avec méthode. Sur ce sujet, je souhaite disposer d'une évaluation précise des effets du Pacte outre-mer. Ce travail de mise à plat, de simulation est la tâche prioritaire à laquelle je veux m'atteler. J'en tirerai les conséquences. Vous le voyez, c'est bien à la construction d'une feuille de route globale que je compte m'atteler. Et il reviendra au Premier Ministre d'en arbitrer les termes.
Comment appréciez-vous les engagements de ce mouvement patronal (création d'emplois quantifiée, souscription de contrats de génération DOM…) ?
Le débat sur les contreparties n'est pas strictement ultramarin, il est national. Et il est légitime. Pour autant, là aussi, il faudra veiller à ce qu'il soit décliné de manière adaptée dans nos territoires dont les spécificités sont fortes et nombreuses. D'ailleurs, si l'adaptation du Pacte de responsabilité et de solidarité (ce dernier mot m'est cher, vous le savez) doit justifier des mesures spécifiques, je suis assez ouverte à une réflexion portant sur des contreparties spécifiques. Le moment venu, là encore, et si nécessaire, je ferai des propositions en ce sens. Pour l'heure, j'encourage les acteurs économiques, politiques et sociaux à me faire part de leurs propositions sur ce sujet comme sur les autres. Cette démarche est constructive. Le tourisme, et singulièrement la grande hôtellerie, est l'un des secteurs en prise avec des difficultés persistantes : quelles pourraient, selon vous, être des pistes de travail à explorer pour sortir de l'ornière ?
Je le répète, le soutien aux entreprises exposées à la concurrence doit être un élément important de notre démarche. Le tourisme en fait partie. Ce secteur recèle un potentiel de développement considérable et encore insuffisamment exploité outre-mer. La richesse et la diversité des patrimoines naturels et culturels sont des atouts exceptionnels, sans parler de la sécurité sanitaire et de la stabilité politique, rassurantes pour les touristes.
Je n'ignore rien des difficultés que traverse le secteur hôtelier dans les DOM en général et en Martinique en particulier, même si je comprends que la haute saison n'a pas été décevante. Je suis néanmoins consciente des effets durables de la crise de 2009 sur l'équilibre d'exploitation des professionnels de ce secteur.
Nous avons préservé les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement, qui jouent un rôle important pour soutenir le développement de l'hôtellerie. Mais pour remédier plus structurellement aux difficultés du secteur, il faudra agir conjointement sur les coûts et la qualité. Je sais qu'avec les Régions, qui jouent un rôle majeur dans ce domaine, les professionnels ont entamé une réflexion de fond dont ils ont saisi le Gouvernement. C'est une démarche vertueuse et qui me semble digne d'intérêt. Elle conjugue une réflexion sur le positionnement commercial de chaque structure, ses projets de développement, et le financement de ceux-ci. Si cette démarche présente l'intérêt d'associer un grand nombre d'acteurs clefs, elle suppose aussi un accompagnement par l'Etat à des étapes diverses du processus. Il ne me revient pas d'y apporter seule une réponse. Aussi le ferai-je en lien avec mes homologues en charge au sein du Gouvernement. Toutefois le secteur du Tourisme ne se résume pas à l'hôtellerie. Je pense qu'il est utile, dans le fil de la réflexion menée tout au long des Assises du tourisme, de se pencher sur l'ensemble des moyens dont nous disposons pour promouvoir les outre-mer comme une destination de choix. Cela implique de s'interroger sur toute la chaîne. Et cela fait aussi partie de la feuille de route que j'entends porter pour encourager la croissance et l'emploi outre-mer.
La Martinique et la Guadeloupe viennent d'adhérer en leur nom propre à l'Association des Etats de la Caraïbe, les Conseillers du commerce extérieur de France section Martinique mènent une expérimentation avec la Dominique et Sainte-Lucie pour le rapprochement du droit d'exécution de nature à sécuriser les contrats notamment commerciaux, une chambre de médiation et d'arbitrage vient de voir le jour afin de mettre à la disposition des chefs d'entreprises des Antilles-Guyane françaises et de la Caraïbe des juges-arbitres, des huissiers médiateurs, des avocats-médiateurs, etc. Des initiatives foisonnent donc pour permettre aux antillo-guyanais et singulièrement aux entrepreneurs de mieux commercer avec leurs voisins : quelles peuvent être les accompagnements de votre ministère pour ce type d'actions ?
Les outre-mer sont les héritiers d'un modèle de développement qui les situe dans une relation de forte dépendance avec la métropole, pour ce qui concerne leurs échanges commerciaux. C'est pourquoi l'insertion des Antilles et de la Guyane françaises dans l'espace économique régional de la Caraïbe régional doit être encouragée.
Les leviers pour cela sont divers. Par exemple, le ministère des Outre-mer a renouvelé en décembre 2012 pour deux ans supplémentaires son partenariat avec Ubifrance. Le bilan depuis 2010 est positif : 400 entreprises ont été accompagnées, 14 Volontaires Internationaux en Entreprises, en poste.
Mon attention a été attirée sur l'intérêt qu'il y aurait à encourager plus avant les échanges commerciaux entre les territoires ultramarins et leurs voisins. J'accorde une grande importance à ce facteur de développement. Un sujet je souhaite également le traiter en lien avec mes collègues au sein du Gouvernement.
La connectivité maritime est un vrai sujet dans la zone Caraïbe. L'absence de lignes de cabotage de courte distance entre les îles empêche de développer les échanges. Jusqu'à présent, l'Europe n'accepte pas de financer en amorçage des lignes de cabotage entre un pays européen et d'autres non européens, alors qu'elle le fait pour des projets entre pays européens, par exemple, dans la Manche : pensez-vous que cette problématique centrale (l'obtention de financement pour les lignes de cabotage entre un pays européen et un non européen) pourrait être reprise par votre ministère afin qu'elle soit portée à la Commission européenne et prise en compte pour permettre enfin à des régions européennes telles que la Martinique et la Guadeloupe de rayonner véritablement dans leur géographie ?
C'est un sujet intéressant auquel je suis prête à y réfléchir. Il va dans le sens de mon propos concernant la nécessité d'un désenclavement et d'une meilleure 'insertion dans des territoires dans leur espace régional.
Le ministère des Outre-mer a annoncé, fin mars dernier, que le gouvernement de la Dominique a été destinataire une proposition d'un consortium constitué de CDC Infrastructure, de GDF Suez et de NGE Groupe pour relancer le projet de géothermie dans ce pays avec comme objectif une interconnexion énergétique avec la Guadeloupe et la Martinique. A quel point en est le dossier ?
C'est une démarche privée dont nous ne pouvons que nous féliciter : c'est à la fois un projet emblématique de coopération régionale dans la Caraïbe, et qui s'inscrit dans les objectifs de transition énergétique du gouvernement. Ce projet devrait contribuer à réduire les coûts de production d'électricité et les émissions de gaz à effet de serre, en Dominique et dans les Antilles françaises. Nous sommes vigilants pour qu'il réussisse et disponibles à d'éventuelles demandes du consortium. Mais les investissements concernant un pays étranger, nous n'avons pas de capacité d'intervention directe.
Source :
http://www.outre-mer.gouv.fr/?george-pau-langevin-a-rencontre-les-grands-acteurs-economiques.html