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La fixation d'objectifs et l'évaluation du travail peuvent être source de risques psychosociaux (RPS) chez les salariés. Une étude de la Dares, publiée le 9 janvier, analyse dans quelle mesure cette affirmation se vérifie en s'appuyant sur les résultats de l'enquête Sumer 2010. En effet, le degré d'exposition aux RPS diffère selon les pratiques des employeurs en matière de « pilotage du travail ». L'étude révèle ainsi que 21 % des salariés bénéficient d'un entretien d'évaluation basé sur des critères précis et mesurables (« entretien cadré »), mais n'ont pas d'objectifs chiffrés. 10 % des salariés ont un entretien d'évaluation, mais non cadré et sans objectifs chiffrés. 22 % des salariés disposent à la fois d'un entretien d'évaluation et d'objectifs chiffrés. 13 % des salariés ont des objectifs chiffrés sans entretien cadré. Enfin, un tiers des salariés n'a ni entretien ni objectifs chiffrés.


Davantage de RPS déclarés par les salariés ayant des objectifs chiffrés

Les salariés assujettis à des objectifs chiffrés sont davantage exposés aux RPS que les autres. Ils sont ainsi soumis à un travail plus intense. La moitié d'entre eux déclarent « toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail » (50 % s'ils ne bénéficient pas d'un entretien cadré, 46 % s'ils en bénéficient), contre un tiers des salariés n'ayant pas d'objectifs chiffrés. De même, 44 % de ces salariés, qu'ils aient ou non un entretien cadré, jugent qu'on leur « demande d'effectuer une quantité de travail excessive », contre un tiers des salariés sans objectifs chiffrés. Compte tenu du fait que la fixation d'objectifs chiffrés ne s'accompagne pas toujours de moyens suffisants pour les atteindre, plus de la moitié des salariés concernés sont soumis à une forte demande psychologique : 51 % s'ils n'ont pas d'entretien cadré et 57 % lorsqu'ils en bénéficient.
La latitude décisionnelle apparaît également moins élevée chez les salariés contraints par des objectifs chiffrés, surtout s'ils ne disposent pas d'entretien cadré. 30 % de ces salariés indiquent avoir « très peu de liberté pour décider comment faire [leur] travail », contre 25 % environ de tous les autres salariés. En outre, ils évoquent davantage (24 %) ne pas avoir l'occasion de développer leurs compétences professionnelles.

Enfin, les salariés ayant des objectifs chiffrés mais ne bénéficiant pas d'entretien cadré sont plus nombreux à déclarer ressentir des conflits éthiques et une insécurité économique. Ils sont 51 %, contre 43 % en moyenne pour les autres salariés, à estimer ne pas avoir les moyens d'effectuer correctement leur travail. Ils sont 25 % à considérer que leur sécurité d'emploi est menacée, contre 19 % en moyenne pour les autres salariés.


Avoir des objectifs chiffrés a un impact sur la santé

Le fait d'être assujetti à des objectifs chiffrés a un lien significatif avec la santé perçue. Alors que, en moyenne, 17 % des salariés déclarent une santé altérée, la proportion monte à 23 % pour les salariés dotés d'objectifs chiffrés mais sans entretien cadré. En outre, 25 % de ces salariés présentent des symptômes anxieux ou dépressifs. Ce risque est aussi élevé, mais dans une moindre mesure, chez les salariés soumis à des objectifs chiffrés et bénéficiant d'un entretien cadré (22 %). Par comparaison avec une situation sans objectifs chiffrés, ni entretien, le risque de symptôme anxieux ou dépressif est accru de plus de 50 % lorsque des objectifs chiffrés sont fixés sans être associés à un entretien cadré, probabilité qui chute à 20 % en présence d'un entretien d'évaluation cadré.

Un entretien d'évaluation cadré permet de modérer l'exposition

Bénéficier d'un entretien d'évaluation cadré en cas de soumission à des objectifs chiffrés semble atténuer le risque d'exposition à certains RPS : manque de latitude décisionnelle, conflits éthiques et insécurité économique. Tel n'est pas le cas, en revanche, s'agissant de l'intensité du travail, où passer un entretien d'évaluation cadré ne permet pas forcément aux salariés de pouvoir négocier leur charge de travail (v. supra).
La Dares relève également que les salariés contraints par des objectifs chiffrés et qui ont des entretiens cadrés bénéficient d'un meilleur soutien social et d'une meilleure reconnaissance de leur travail. Ils sont, en effet, 22 % à indiquer que leur supérieur ne les aide pas et 20 % à déclarer que leur supérieur ne leur prête pas attention, contre respectivement 27 % et 25 % des salariés avec objectifs chiffrés mais sans entretien cadré. En outre, ils n'ont qu'une probabilité d'environ 10 % plus élevée de pas se sentir reconnu par rapport aux salariés sans objectifs chiffrés, ni entretien, cette probabilité s'élevant à environ 50 % en l'absence d'entretien cadré.
Les entretiens individuels d'évaluation avec critères précis et mesurables apparaissent donc comme protecteurs vis-à-vis de l'exposition à plusieurs RPS, alors que, au contraire, les objectifs chiffrés sont associés à un surcroît d'exposition, conclut la Dares
Source : Dares/Lamy social


Mise à jour le 23/01/2015