Accueil | L'essentiel | Droit social et Ressources Humaines | Discrimination : Action collective ou class action ?

L'action de groupe pourrait bientôt concerner le monde du travail. Ouverte en matière de consommation et de concurrence par la loi du 17 mars 2014, cette nouvelle voie de droit devrait s'étendre à d'autres domaines. Interrogé par la Semaine sociale Lamy, le porte-parole du ministère de la Justice, Pierre Rancé, a en effet indiqué que ses services travaillaient à l'élaboration de deux procédures d'action collective, dont l'une pourrait concerner plus spécifiquement les discriminations notamment au travail et dans l'accès à l'emploi. Des mesures qui pourraient venir percuter les travaux du groupe de travail sur les discriminations dont les conclusions seront remises le 3 avril prochain aux ministres du Travail et de la Ville et qui suggèrent, entre autre, une action collective sur la base du rapport « Pécaut-Rivolier » de décembre 2013 (Entretien avec Laurence Pécaut-Rivolier, Semaine sociale Lamy n° 1611, p. 5) ?

Justice du XXIeme siècle

« Les arbitrages ne sont pas faits, mais je vous confirme qu'un texte est en préparation pour permettre au justiciable l'action de groupe » a affirmé, le 9 mars, le porte-parole de Christiane Taubira. Deux procédures distinctes sont à l'étude. La première consisterait en un cadre législatif commun, une matrice, déclinable ensuite dans différents domaines comme la santé, l'environnement, le handicap… et aussi le droit du travail. Il s'agit en l'espèce de répondre à une préconisation de la Commission européenne qui reprendra la main sur le texte si les États membres ne prennent pas les mesures nécessaires. Le ministère de la Justice travaille également à l'élaboration d'une procédure spécifique d'action collective en matière de discriminations. Selon les services de Christiane Taubira, elle concernerait plus spécifiquement le droit du travail, l'accès à l'emploi, au logement, la parité entre les femmes et les hommes, le handicap, le racisme et l'antisémitisme. « Sur cette dernière action, nous réfléchissons maintenant à qui peut agir en réparation, comment sera estimé le préjudice et s'il doit être réparé individuellement ou collectivement », a indiqué Pierre Rancé. Si les arbitrages sont encore en cours, les deux procédures devraient être portées par le projet de loi pour la justice du xxie siècle.

Deux conceptions de l'action collective
Le ministère de la Justice tiendra-t-il compte, dans ses derniers arbitrages, des préconisations du groupe de travail sur les axes de « lutte contre les discriminations dans l'accès à l'emploi » qui seront remises aux ministres du Travail et de la Ville le 3 avril prochain ? Et quel ministère prendra finalement la main sur ce dossier ? C'est à juste titre la question posée par les partenaires sociaux, les services et les acteurs de l'emploi, les grandes associations de lutte contre les discriminations et les experts qualifiés qui le composent et qui planchent depuis quatre mois sur les discriminations à l'embauche, en emploi et sur les voies et recours possibles. Mis en place le 29 octobre 2014 par François Rebsamen et Patrick Kanner après que l'État français ait été condamné par le Conseil d'État sur la base du cv anonyme, ce groupe de travail rendra ses conclusions aux deux ministres lors de sa prochaine réunion plénière. Ses membres – à l'exception du patronat – sont d'ores et déjà tombés d'accord sur la nécessité de créer une action collective en matière de discrimination, permettant d'aller en justice au nom des salariés. Apprenant, lors de leur plénière du 24 février, les intentions du ministère de la Justice, ils ont donc demandé à pouvoir être associés aux réflexions en cours. « Le ministère du Travail nous a confirmé que les travaux de notre groupe conservaient tout leur intérêt », a indiqué la secrétaire confédérale Force ouvrière, Anne Baltazar.

Reste à savoir quelle proposition sera retenue et par quel ministère. Les organisations syndicales, à l'instar de FO, seraient en effet plutôt favorables aux préconisations du rapport « Pécaut-Rivolier » de décembre 2013 qui considère que la class action n'est pas l'outil adapté et propose une action collective dès lors qu'un syndicat a préalablement mis en demeure l'employeur d'agir (pour le détail de l'action voir Semaine sociale Lamy précitée). L'action collective en discrimination ne pourrait être menée que par les organisations syndicales. Les associations du groupe de travail sont quant à elles plus favorables à la proposition du député (SRC) Razzy Hammadi qui propose une procédure de class action plus classique, purement indemnitaire, ouverte aux associations. 

Auteur : Sabine Izard

Mise à jour le 12/03/2015