Faits : le contrat de travail d'un salarié contient une clause de non-concurrence à laquelle l'employeur peut renoncer à tout moment lors de l'exécution du contrat ou à l'occasion de sa cessation, à l'unique condition de notifier sa décision au plus tard dans le mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail. Le salarié est licencié le 24 avril 2008 et dispensé d'effectuer son préavis. Le 14 mai 2008, moins d'un mois après la notification de la rupture, l'employeur libère le salarié de l'exécution de la clause de non-concurrence. Il agit devant le conseil de prud'hommes afin d'obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. La Cour de cassation lui donne raison.
→ Solution : en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise. L'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires [Cass. soc., 21 janvier 2015, n° 13-24.471].
Possibilité de renoncer à la clause de non-concurrence
→ La renonciation doit être prévue au contrat. La clause de non-concurrence porte atteinte à la liberté de travail du salarié. La possibilité pour l'employeur d'y renoncer met le salarié dans une situation d'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler. La Cour de cassation encadre donc strictement cette faculté.
La possibilité de renoncer à une clause de non-concurrence doit être prévue par le contrat de travail ou la convention collective [Cass. soc., 28 nov. 2001, n° 99-46.032]. À défaut, l'accord du salarié est nécessaire. En effet, en raison de sa contrepartie financière, la clause de non-concurrence est stipulée aussi bien en faveur de l'employeur que du salarié.
À NOTER
Les clauses de non-concurrence dites « en sommeil », c'est-à-dire qui peuvent être déclenchées par l'employeur à tout moment après la rupture, ne sont pas valables [Cass. soc., 22 janv. 2003, n° 01-40.031].
Dans notre affaire, cette possibilité était prévue par le contrat qui stipulait que l'employeur pouvait se libérer de la clause de non-concurrence soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation, sous réserve de notifier sa décision par lettre recommandée au plus tard un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail.
→ Les modalités de la renonciation doivent être strictement respectées. Les juges sont particulièrement attentifs au respect des modalités de renonciation prévues par la clause ou la convention collective. Par exemple, dans une décision concernant une clause rédigée de la même manière, l'employeur avait notifié la rupture le 12 juillet 2007 et avait adressé le 30 septembre suivant une lettre recommandée pour délier le salarié de son obligation de non-concurrence. Même si le salarié était encore présent dans l'entreprise au titre de l'exécution de son préavis, le délai d'un mois était écoulé depuis le 12 août 2007. Cette renonciation était donc inopérante [Cass. soc., 9 févr. 2011, n° 09-43.170].
→ Absence de délai de renonciation valable. En l'absence d'une clause du contrat de travail fixant valablement le délai pendant lequel l'employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence, l'employeur doit libérer le salarié de son obligation de non-concurrence au moment de la rupture [Cass. soc., 13 juill . 2010, n° 09-41.626].
→ Preuve de la renonciation. C'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il a libéré le salarié de son obligation de non-concurrence [Cass. soc., 3 févr. 1999, n° 96-42.672]. Cela peut passer par la preuve de l'envoi d'une lettre recommandée dans le délai prévu, même si le salarié n'a pas reçu le courrier, par exemple perdu par les services postaux [Cass. soc., 10 juill . 2013, n° 12-14.080].
Renonciation inopérante après le départ effectif du salarié
La particularité de l'affaire commentée ici est que le salarié a été dispensé de l'exécution de son préavis lors de son licenciement. La notification de son licenciement a eu lieu le 24 avril 2008, et il a alors effectivement quitté l'entreprise à cette date. Sa clause de non-concurrence prévoyait un délai de renonciation d'un mois après la rupture. Mais l'employeur pouvait-il renoncer à la clause de non-concurrence alors que le salarié n'était déjà plus présent dans l'entreprise ? La Cour de cassation a jugé que non. L'employeur qui dispense le salarié de l'exécution de son préavis doit, s'il entend renoncer à l'exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires.
Cette position de la Cour a déjà été affirmée lors d'un cas similaire : il s'agissait d'une démission avec dispense de préavis [Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-21.150]. Il semble logique que la solution soit transposée lorsqu'il s'agit d'un autre mode de rupture du contrat de travail. En effet, le raisonnement sous-jacent utilisé est le même que celui pour l'interdiction des clauses de non-concurrence « en sommeil » (voir p. 6) : à partir du moment où le salarié a quitté l'entreprise, il ne peut être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travail.
Le départ effectif du salarié de l'entreprise est la date limite de renonciation à la clause de non-concurrence. En l'absence d'une telle renonciation, les obligations liées à la clause de non-concurrence se déclenchent. Ainsi la date de départ effectif du salarié correspond à :
– la date à partir de laquelle le salarié est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence ;
– celle à partir de laquelle l'employeur doit payer la contrepartie financière ;
– et celle à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette contrepartie [Cass. soc., 22 juin 2011, n° 09-68.762].
REMARQUE
Afin d'éviter tout contentieux, il est conseillé à l'employeur qui souhaite libérer le salarié d'une clause de non-concurrence de le faire au moment de la notification de la rupture du contrat, qu'elle prenne la forme d'un licenciement, d'une démission ou d'une rupture conventionnelle homologuée.
Survie des effets de la clause
La renonciation étant intervenue après le départ effectif du salarié, elle est inopérante. Dès lors, la clause produit toujours ses effets : le salarié doit respecter l'obligation de non-concurrence et l'employeur est tenu de verser la contrepartie financière tant que le salarié se plie à l'obligation [Cass. soc., 13 sept. 2005, n° 02-46.795]. Cette indemnité est acquise sans que le salarié ait à établir un quelconque préjudice [Cass. soc., 24 janv. 2007, n° 04-47.864].
Si le salarié ne respecte pas l'obligation de non-concurrence, il peut être condamné à des dommages et intérêts. Son contrat de travail peut également prévoir un montant forfaitaire que le salarié devra payer en cas de manquement à son obligation de non-concurrence.
En tout état de cause, l'employeur qui souhaite renoncer à la clause de non-concurrence après la rupture du contrat et le départ effectif du salarié peut le faire en concluant avec lui une transaction portant expressément sur ce point.
Clause de non-concurrence et liquidation judiciaire
Selon une position bien établie, la cessation d'activité de l'employeur, volontaire ou non, n'a pas pour effet de décharger de plein droit le salarié de son obligation de non-concurrence, de sorte qu'il doit pouvoir prétendre au paiement de la contrepartie financière [Cass. soc., 5 avril 2005, n° 02-45.540].
La Cour vient d'appliquer ce raisonnement s'agissant de l'obligation de l'employeur de verser cette contrepartie dans le cadre d'une procédure collective : même lors d'une liquidation judiciaire, l'employeur, s'il veut être dispensé de payer la contrepartie financière, doit procéder à la levée de la clause dans les conditions prévues par le contrat ou la convention collective. Dans le cas contraire, le salarié est à même de demander la paiement de la contrepartie au prorata de la durée d'exécution de l'obligation de non-concurrence [Cass. soc., 21 janv. 2015, n° 13-26.374].
Notes :
1/ Cass. soc., 21 janv. 2015, n° 13-24.471.
Source : Lamy Social