Inspection du travail : de nouveaux pouvoirs de sanction
(article 261)
Le projet de loi autorise le gouvernement à procéder par ordonnance, dans un
délai de neuf mois, pour mettre en oeuvre le second volet de la réforme de
l'inspection du travail. Pour rappel, le décret du 20 mars 2014 a décidé d'une
importante évolution organisationnelle du système d'inspection du travail. Il s'agit, pour 'permettre l'effectivité des règles de base en droit de
travail' selon les termes du gouvernement, de 'renforcer le rôle de
surveillance et les prérogatives du système d'inspection du travail, étendre et
coordonner les différents modes de sanction et, en matière de santé et de
sécurité au travail, réviser l'échelle des peines'. Concrètement, il est
attendu de l'ordonnance à venir qu'elle renforce les moyens d'investigation de
l'inspecteur du travail et l'autorise à prononcer des sanctions administratives
pécuniaires en cas d'atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs (durée
du travail, salaire minimum, etc.) L'ordonnance doit aussi instituer un mécanisme
de transaction pénale pour les infractions les moins graves.
Les rapporteurs du texte auraient souhaité, comme pour le délit d'entrave,
inscrire la réforme 'en dur' dans le texte mais un obstacle
juridique a contrarié la rédaction des nouvelles dispositions. Un arrêt de la
CEDH du 4 mars 2014 qui fait application du principe non bis in idem pose
en effet la question du cumul de sanctions pécuniaires administratives
avec des sanctions pénales. Si l'obstacle est levé, l'ordonnance devrait
reprendre les grandes lignes de la proposition de loi déposée sur le sujet.
En lien avec ces nouveautés pour l'inspection du travail, le gouvernement
pourra modifier le code du travail pour 'abroger les dispositions devenues
sans objet et assurer la cohérence rédactionnelle dans le code du travail et
entre le code du travail et les autres codes'. Selon l'étude d'impact de
la loi, il s'agit par exemple d'adapter le code des transports aux nouvelles
sanctions que pourra prononcer l'inspecteur du travail ou encore d'harmoniser
les décisions administratives et sanctions prévues par le code rural et de la
pêche maritime avec celles du code du travail, lorsqu'on a affaire à des
infractions de même nature.
Enfin, l'article 261 du projet de loi habilite le gouvernement à prendre par
ordonnance les mesures nécessaires pour pérenniser au-delà de 2016 le plan de
transformation d'emplois de contrôleurs du travail en emplois d'inspecteur du
travail en section.
Lutte contre les fraudes au détachement (articles 279 et
280)
Des sanctions administratives aggravées
La loi du 10 juillet 2014 (lire notre article) prévoit que
l'entreprise qui détache des salariés en France sans adresser une déclaration
préalable à l'inspection du travail ou sans désigner un représentant de
l'entreprise en France, s'expose à une amende administrative d'au maximum 2 000
€ par salarié détaché (le double en cas de récidive dans un délai d'un an) sans
que le montant total de l'amende ne puisse excéder 10 000 €. Le projet de loi
Macron relève ce plafond de 10 000 € à 500 000 €.
L'inspecteur du travail peut prononcer la suspension de la prestation de
services
Le texte donne à l'inspection du travail le pouvoir d'enjoindre à un
employeur étranger détachant des salariés en France, et qui manque gravement à
des éléments essentiels du travail (Smic, repos, durée du travail, dignité
humaine, hébergement insalubre, etc.), de faire cesser ces situations. Si rien
ne se passe à l'issue d'un délai qui sera fixé par décret, l'administration
pourra ordonner, par une décision motivée, la suspension par l'employeur de la
réalisation de la prestation de services pour une durée maximale d'un mois. À
ce titre, le projet de loi précise que cette suspension de l'activité ne doit
avoir aucun impact négatif pour le salarié (l'employeur ne peut pas rompre le
contrat de travail ou encore suspendre le versement du salaire).
Le non-respect de cette décision administrative sera passible d'une amende
administrative, 'inférieure ou égale à 10 000 € par salarié concerné par
le manquement'.
Afin de faciliter le travail de l'administration, il est ajouté que
l'employeur qui détache des salariés en France doit présenter sur le lieu de
réalisation de la prestation à l'inspection du travail des documents traduits
en langue française.
À noter : l'inspecteur du travail pourra désormais, pour vérifier les
conditions de vie des travailleurs détachés, 'pénétrer dans tout local
affecté à l'hébergement de travailleur' après autorisation de ses
occupants.
Le donneur d'ordre pourra être reconnu solidaire du sous-traitant
Le texte fait obligation au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre, informé
par l'inspection du travail du non respect du salaire minimum chez un
sous-traitant, d'enjoindre aussitôt ce dernier 'de faire cesser sans délai
cette situation'. À défaut de régularisation de la situation, le maître
d'ouvrage ou donneur d'ordre devra dénoncer le contrat de prestation de
services sous peine d'être reconnu solidaire de l'employeur direct pour le
paiement des rémunérations dues.
Fermeture administrative temporaire et confiscation de biens
(article 282)
Le projet de loi revoit le mécanisme de fermeture administrative temporaire
prévu lorsqu'il est constaté un recours au travail illégal et 'si la
proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la
gravité des faits constatés'. Cette sanction pourra désormais être prononcée
sur la base d'un rapport établi notamment par l'inspection du travail. La peine
de confiscation qui peut être prononcée à l'égard des personnes physiques devra
respecter les modalités prévues par le code pénal.
Une carte dans le BTP (article 282)
Toujours pour lutter contre les abus du détachement, les salariés détachés
dans le bâtiment devront posséder une carte d'identification professionnelle
contenant des informations sur le salarié, son employeur, l'entreprise
utilisatrice et l'organisme ayant délivré la carte. Un manquement à cette
obligation sera passible d'une amende de 2 000€ par salarié, 4 000€ en cas de
récidive, sans que le total excède 500 000 €. Un décret fixera les conditions
de la généralisation de la dématérialisation de la déclaration de détachement.
Le texte prévoit enfin des mesures spécifiques de lutte contre la
concurrence sociale déloyale dans le transport.
Julien François